Confluence au Tellé, paysage perdu, bousculé, retrouvé #1

Confluence au Tellé

Confluence au Tellé, paysage perdu, bousculé, retrouvé #1
vers une nouvelle culture du patrimoine industriel en lien avec ses paysages ruraux ?

Confluence, est le nom que nous donnons à cet espace de bois et de zones humides de la ville de Pont-Péan, où le ruisseau du Tellé et ses affluents se rejoignent et s’écoulent dans un cadre enchanteur où la nature s’exprime en liberté et où les vestiges des étangs du XVIIIe siècle de la mine de plomb argentifère se découvrent non sans interrogation pour les promeneurs.

La splendeur du paysage fait éprouver de douces émotions et des surprises inattendues

Adolphe Joanne Itinéraire général de la France – Bretagne – 1873
à propos des abords de la mine de Poullaoüen,
« en longeant le canal de 2 km qui porte
les eaux de l’étang
aux machines hydrauliques des mines qu’il alimente.
 »

Le 18 septembre, vous avez visité cet espace de « Confluence » dans le cadre de l’écobalade « le ruisseau du Tellé retrouve ses droits » juste avant les travaux de reméandrage qui sont actuellement en cours de réalisation. Un des stands sur le terrain de la Chênais (le terrain aux ânes), vous proposait la lecture de cartes du XVIIIe au XXe siècles et des illustrations de machines hydrauliques du XVIIIe siècle qui ont fait la renommée de Pont-Péan. Certains ont regretté que nous n’ayons proposé qu’une matinée de présentation. Nous vous offrons donc en retour une série d’articles pour vous aider à mieux appréhender ce lieu de « confluence au Tellé » tant d’un point de vue patrimonial qu’environnemental.

Les rivières de l’Ouest de la France, en Bretagne

L’environnement naturel des rivières de l’ouest de la France correspond le plus souvent à des écoulements lents. Ils sont peu chargés en sédiments, souvent répartis en plusieurs ruisseaux et circulent au sein de zones humides boisées. Les écoulements adoptent un style sinueux à méandriforme au sein de plaines d’inondation, le plus souvent exondées et caractérisées par des paysages ouverts. Au sud de Pont-Péan, la zone boisée des bois du Tellé, en fond de talweg est une zone de confluence, où le ruisseau du Tellé reçoit les eaux de la Blanchetais, de la Hamonais, et des Bignons.
Remeandrage Tellé - Confluence
Reméandrage du Tellé à la confluence de son affluent (les Bignons selon la carte d’État Major ? ou l’ancien Tellé selon la carte de Cassini ?) – ©photo EOL 211010 – lors des travaux d’octobre 2021

Au XVIIIe siècle, le besoin d’énergie pour l’exhaure de la mine
engendrent des aménagements hydrauliques titanesques

et modifient nos paysages

Le Moyen-âge, le temps des moulins et des innovations
la saturation des réseaux hydrographiques

Après un moyen âge novateur, où la saturation des réseaux hydrographiques par l’équipement hydraulique intervient entre les 11e et 16e siècles, l’époque moderne (1492 – 1789) est marquée par une maîtrise complète des écoulements devant concourir à faire fonctionner les nombreuses roues des moulins (à foulon, à chanvre, à tan, à grain…) ou de machines installées au-dessus des puits d’extraction minière comme à Poullaoüen ou Pont-Péan en Bretagne. Cette maîtrise vise également à limiter les inondations et divagations de l’écoulement des eaux et à baigner des prairies dont le poids économique s’affirme. Au moyen-âge, lorsque les villageois disposent eux-mêmes de leurs communaux, ils y pratiquent une gestion raisonnée et durable. Les périodes de pâturage sont-elles ainsi très réglementées. Les travaux d’entretien des fossés sont rappelés à la communauté villageoise, tandis que la pression pastorale fait l’objet d’une limitation draconienne par l’intermédiaire des « bannies ». Ces espaces humides constituent une réserve foncière pour les villageois dans le cadre de prélèvements divers (bois, roseaux, tourbe, pêche, …) et prennent la forme de prairies humides reliées aux villages par des chemins d’accès entretenus dans le cadre de la vaine pâture communale. Dès le XVIIe siècle, avec le développement des villes et une augmentation de la demande de produits agricoles (viande, lait, beurre, etc.) dans un contexte d’intensification agraire, les espaces communaux sont alors souvent confisqués par de nouveaux propriétaires.
a – explication des différentes parties d’une écluse,
dont la chaussée. 1543
Cours de la Vilaine de Redon à Rennes en vue cavalière.
b : « la chaussée de la molière en laquelle va deux moulins, l’un à « bled », l’autre « à foulon » et l’écluse entre les deux,
selon la légende du haut. 1543
Cours de la Vilaine de Redon à Rennes en vue cavalière.
Le Moulin à eau, sa roue, sa chaussée

Destiné au broyage du grain, le moulin à eau va connaître d’innombrables usages, papier, écorces (tan)… dont le moulin à foulon signalé dès 1050. L’arbre de la roue hydraulique des moulins à foulon tourne devant une batterie de maillets. Ceux-ci sont placés en position de bascule au-dessus des cuves à drap. Des moulins à chanvre fonctionneront sur le même principe à la fin du XIIe siècle. L’existence des moulin à eau est toutefois attestée par le traité de Vitruve au Ier siècle avant notre ère. Cependant peu d’exemples d’applications sont connus entre le traité d’architecture du romain Vitruve et le XIe siècle. L’emploi des cames pour transmettre le mouvement apparaît au XIe siècle. Équipé des cames qui transmettent le mouvement, l’arbre horizontal de la roue hydraulique transforme celle-ci en un véritable moteur industriel. La roue hydraulique entraîne ensuite, au XIIIe siècle, des marteaux de forge. Mais l’expansion du moulin à eau date essentiellement de la fin du Moyen Âge. Une innovation importante au XIVe siècle apparaît avec le moulin à fer : la roue hydraulique est appliquée, à la soufflerie, le plat supérieur du soufflet étant rabattu par une came. Ce procédé permet l’essor de la métallurgie. On peut dès lors agrandir le four, qui devient un haut fourneau. La roue hydraulique actionnera, finalement, tout le gros outillage du métallurgiste. Elle est aussi le moteur pour l’exhaure ou la remonte du minerai dans les mines. Jusqu’à l’invention vers 1775 de la machine à vapeur par le mécanicien écossais Watt (1736-1819), l’industrie tout entière est mue par la roue du moulin à eau.

Illustrations :
Ces illustrations issues d’un livre de 1543 conservé à la BnF « Cours de la Vilaine de Redon à Rennes, en vue cavalière », est une très rare opportunité de donner à voir le cours d’une rivière de l’Ouest de la France au milieu XVIe siècle avec ses équipements hydrauliques dans leurs diversités (écluses et mode opératoire, moulins à blé et moulins à foulon, pêcheries…) avec une approche didactique. Puissent-elles nous aider à imaginer l’espace de confluence du ruisseau du Tellé avec ses différents affluents avant les travaux du XVIIIe siècle, toute proportions gardées !
Source  : a- , b– , c  Bibliothèque nationale de FranceDate d’édition :  1543
Cours de la Vilaine de Redon à Rennes en vue cavalière.

c – « l’atache et la chaussée de la Bouexière (Sic)… « …moulins et écluses et pesheries en l’attache de la chaussée de la Bouexière… » Sic)… … en bas : « les moulins et l’écluse et pescherie de Glanrouet… » 1543
Cours de la Vilaine de Redon à Rennes en vue cavalière.

Le XVIIIe siècle,
l’hydraulique du temps des Mécaniciens « artistes », du savant à l’usurier

Pierre Joseph Laurent résout en 1754 – 1755
le problème de l’exhaure de la mine

Un mécanicien de l’Intendance de Flandre, inspecteur des chaussées et rivières de la châtellenie de Bouchain, Pierre-Joseph Laurent (1713-1773) se fit connaître en 1755 par l’assèchement réussi des mines de Pont-Péan. Aux ordres de son intendant, de Sechelles, il s’était illustré jusqu’alors par des travaux de navigation : construction d’écluses sur la Deûle et sur la Scarpe en 1750 et 1751, assèchement de zones marécageuses dans les vallées de la Scarpe et de l’Escaut, et par des réalisations spectaculaires qui ont fait beaucoup pour sa renommée. Ainsi la construction à Valenciennes d’une grille à contre-poids pour la poterne sur l’Escaut1 – « que levait un homme en six minutes… au lieu de « cinquante hommes en vingt-quatre heures » – lui a valu sa nomination à la mine de Pont-Péan, confrontée à l’ennoiement de la mine, située à vingt toises (39m) de la rivière Seiche. Pierre-Joseph Laurent, dépêché en Bretagne, y arrive en juillet 1754 et en novembre 1755 il peut annoncer sa réussite2. Ce fut pour lui l’origine d’une promotion financière exceptionnelle et d’un anoblissement.

Les difficultés d’exploitation de Madame Danycan
et l’arrivée du financier parisien Joseph Pâris-Duverney

Toutefois sans l’investissement considérable de l’armateur malouin Noël Danycan de l’Épine, de sa veuve et son fils et du financier, Joseph Pâris-Duverney (1684-1770), l’épopée industrielle de la mine de plomb argentifère n’aurait pas eu lieu. Dès 17513, la mine de Pont-Péan était devenue une affaire d’État et les Danycan avaient déjà perdu toute initiative. « L’abondance des eaux ayant contraint Mme Danycan de l’Épine de discontinuer l’exploitation des mines de plomb de Pontpean… Monseigneur le contrôleur général ayant à cœur d’en faire continuer les travaux vu que cette mine est la plus riche de même que la plus abondante du royaume, il chargea M. l’intendant de prendre à ce sujet des informations ». L’intendant Le Bret missionna l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées de Rennes, Daniel Chocat de Grandmaison*, de « dresser le plan des opérations nécessaires pour détourner le lit de cette rivière de manière qu’on pût employer les eaux pour faire mouvoir les machines hydrauliques propres à épuiser les inondations qui noyaient la mine ». Ce plan fut réalisé et Madame Danycan, par arrêt du Conseil du 20 juillet 1751, fut « autorisée » à le mettre en œuvre. Faute de moyens financiers, le projet de Chocat de Grandmaison, qui est déjà dans les grandes lignes celui que va réaliser P.J Laurent, reste sans suite. La veuve Danycan s’efforce alors de l’entreprendre avec peu de moyens. Elle engage à cette fin un « mathématicien » le sieur de Rivaz, qui travaille à ses risques et périls en échange de la promesse d’une participation aux bénéfices éventuels. Mais au début de 1753, de Rivaz doit reconnaître son échec par insuffisance de finances. Le redémarrage date du printemps de 1754, grâce à la participation de Pâris-Duverney, sous forme détournée par l’intermédiaire d’un prête-nom – Nugues, colonel en retraite, et… neveu de Pâris-Duverney. Joseph Pâris-Duverney est en réalité le principal pourvoyeur, avec son frère Paris de Montmartel, des finances royales.

Des mentalités d’ancien régime, une science en balbutiement

Le résultat de la dispute et des procédures entre les Danycan et Joseph Pâris-Duvernay, fut la suspension de l’exploitation dès les premiers jours de 1760, en pleine période de guerre avec l’Angleterre, alors que le plomb devait être plus que jamais nécessaire. Cette entreprise qu’on a eu tant de peine à faire revivre en 1754 voit sa liquidation sans qu’aucun des associés ne pût la reprendre ; il fallut la vendre et l’adjudication eut lieu le 6 juillet 1765. La concession est vendue à la Compagnie des Mines de Basse-Bretagne (Poullaoüen) qui a déjà renoncé à mettre en place la machine de Thomas Newcomen que James Watt améliorera. La mine de Pont-Péan rouvrira en 1765 avec des fortunes diverses jusqu’en 17966. L’archaïsme de la finance et son impuissance à faire face aux besoins nouveaux, l’apathie de l’État avec ses jeux de cour et ses grands seigneurs, la conduite de l’entreprise confiée à un financier sans compétences adéquates, – sa situation de bailleur de fonds lui confère automatiquement la gestion -, son comportement d’usurier, le machinisme comme œuvre d’art et non comme artefact d’ingénieur au service de l’organisation et de la gestion, mettent un terme à cette première tentative d’entreprise industrielle. Au XVIIIe siècle, la science n’est qu’à ses balbutiements et dépend encore de certaines conceptions philosophiques. C’est alors l’invention, l’originalité, qui prime et non l’efficacité. Voltaire4 en 1761 qualifie encore Laurent de « célèbre artiste« . Elle n’avait pas pour optique le progrès de la connaissance. Au XIXe siècle, le mécanicien laissera la place à l’ingénieur « celui qui a reçu une formation scientifique et technique le rendant apte à diriger certains travaux, à participer à des recherches ».

La première société en nom collectif appliqué à l’industrie

Pour Henri Sée5, la mine de Pont-Péan fut toutefois « la première société en nom collectif appliqué à l’industrie » et le prototype de la grande entreprise moderne. Elle va se développer au XIXe siècle sur la base de l’invention de James Watt en Angleterre (1736 – 1819) et de sa machine à Vapeur qui va supprimer la roue hydraulique à la fin du XVIIIe siècle. Les brevets de Watt prennent fin en 1800. La machine à vapeur tombe alors dans le domaine public et l’industrie va connaître un développement sans précédent. La mine de plomb argentifère de Pont-Péan verra avec la machine à vapeur une deuxième vie au XIXe siècle, celle qui est la plus connue de nos concitoyens grâce à son bâtiment emblématique construit à la fin du XIXe siècle.

1_ pour se rendre compte de l’exploit à cette époque, voir le mode opératoire du XVIe siècle sur l’illustration C « Cours de la Vilaine de Redon à Rennes, en vue cavalière)
2- Lettre de Laurent à l’intendant Le Bret. Pontpean, 29 novembre 1755 (AD35, C. 1480).
3- in Mémoire Pâris-Duverney (A.D. Ille-et- Vilaine, C. 1486) ; in Lettre de Rivaz à l’intendant de Bretagne, le 19 octobre 1753, « l’entreprise que j’ai faite à mes risques ». — Lettre de Chocat de Grandmaison à l’intendant, le 28 octobre 1753, « elle a senti l’insuffisance de ses fonds et a eu recours à M. De Rivaz»… (A.D. Ille-et-Vilaine, C. 1.480). Parmi les principaux travaux que *Chocat de Grandmaison a supervisés, on retiendra l’amélioration des voies de communication avec la construction d’un pont sur la Seiche à Pont-Péan en 1762, aux côtés du duc d’Aiguillon, commandant en chef de Bretagne. Archives de Rennes : Archives de Rennes, 3Fi29 : En 1781, Chocat de Grandmaison, ingénieur en chef de la province de Bretagne, établit un « plan d’une partie de la riviere (La Vilaine à Rennes) et du canal projette depuis le pont des 3 arches jusques au pont st-germain

4 Voltaire à l’abbé Delille, 19 juin 1761 (Besterman, vol. 46, lettre 9.050).
5 Henri Sée, Les origines de la société de Pontpean. (mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1927-1928).

La machine de Pierre Joseph Laurent au puits du Chapelet
avec sa grande roue de 10m de diamètre – victoire sur les eaux, le 8 décembre 1755, mais au prix d’énormes travaux
Machine de P.J. Laurent situé au puits du chapelet
pour l’exhaure de la mine
Machine de P.J. Laurent situé au puits du chapelet
de 240 pieds (73 m) de profondeur en 1756/57, soit plus du double qu’il ne l’était auparavant.
pour la remontée du minerai

Pour y parvenir, Laurent a mis au point deux machines. Elles sont décrites à l’article « Pompe » dans le volume XIII (1765) de l’Encyclopédie avec la précision que « les machines précédentes sont de l’invention de M. Laurent ». Elle en reproduit les plans détaillés en cinq planches du volume VI des suppléments (1768 – Section histoire naturelle minéralogie)6. Une des machines se trouve alors au moulin du bois, proche selon la carte de Cassini des « Fourneaux ». La seconde, située au puits du chapelet, profond de 73 m en 1756 (puis de 130m6 en 1861), impressionne les rennais qui se pressent à Pontpean pour l’admirer. Elle permet tout à la fois de faire fonctionner les pompes de l’exhaure de la mine et de remonter le minerai. À l’époque, toutes ces machines sont des équipements hydrauliques et pour les mouvoir, Laurent a détourné au prix d’énormes travaux la rivière Seiche, exproprié des terrains, démoli des moulins, bâti des canaux d’acheminement et d’évacuation des eaux, établi des réservoirs pour garantir la régularité de l’exploitation, y compris durant les périodes de sécheresse. Il a dépensé, investi plutôt, aux environs de 600.000 livres.

6 – encyclopédie des Sciences, des arts et des Métiers de Diderot et d’Alembert (Planches Tome VI 1768 Les machines de Pontpéan).
7 Albert David, élève de l’école des Mines en donne en 1861 la description suivante :  » Ces mines sont situées à onze kilomètres de Rennes, sur la route de Nantes. Elles contiennent, comme matière minérales de la galène et de la Blende. La galène est pauvre en argent, et ne tient guère que 30 grammes aux 100 kgs. La Blende au contraire est très riche en argent. L’exploitation actuelle de Pontpéan n’est que la continuation d’une ancienne exploitation abandonnée en 1796. Ces anciens travaux avait été poussés à 130m de profondeur, et 300m en direction. Les anciens travaux contenaient plusieurs puits : voici leurs différentes profondeurs : …/… puits du chapelet : 130. 1861″ – in « journal de voyage exécuté par Mr David, Élève externe, en Bretagne et le Midi de la France », Bibliothèque patrimoniale numérique de l’École nationale supérieure de des mines de Paris (Mines ParisTech).

L’âge d’or de l’hydraulique à Pont-Péan et son paradoxe

la création d’une réserve d’eau considérable
avec l’étang de Teslé, situé « entre le midi et l’orient  » et son canal
pour dénoyer la mine située au Nord-ouest près de la rivière Seiche

Toutes ces machines sont des machines hydrauliques et pour les mouvoir et assurer la régularité de l’exploitation, Laurent a besoin d’une grande réserve d’eau et des canaux pour conduire l’eau à la grande roue. Les travaux hydrauliques du XVIIIe siècle, liés à l’exploitation de la mine de plomb argentifère de Pont-Péan vont alors modifier l’espace naturel humide situé au sud, par la création d’un grand étang dont la surface est estimée à 130 ha. L’étang du Tellé, était relié par un canal de 2,5 km de long qui conduisait l’eau de l’étang vers la grande roue du puits du Chapelet, situé au Luzard, au nord de Pont-Péan. En réalité, deux étangs formaient « l’étang de Teslé situé entre le midi et l’orient« . Un petit étang2, avec sa digue de 156m de long, de 1,8 de haut au milieu et se terminant en pyramide à ses extrémités était situé 5,5 m plus bas que le grand étang et s’appuyait sur la digue du grand étang. L’autre grand étang9, immense, de 130 ha selon la tradition orale, formait selon l’expertise de Duhamel de 1761 une digue de 945m de long, avec une base probable de 34m de largeur. La hauteur de la digue, se situait encore en 1985 à 5m de haut selon l’étude d’impact archéologique d’Alain Provost4 . L’archéologue précisait : « pour une largeur à la base comprise entre 20 et 25m et une hauteur (originelle) de 5 à 10m au sommet et une longueur de 900m ».

9- selon le Procès verbal de la commission formée pour l’expertise de la mine de Pontpéan décidée par l’arrêt du conseil du roi du 23 juin 1761, AD 35 – C 6191.

Une des digues du petit étang du Tellé

Confluence au Tellé

Le Tellé en cours de reméandrage à l’emplacement du petit étang. La digue du petit étang était située 5,5 m plus bas que le grand étang selon le rapport de 1761 de Duhamel. L’étang de la chaussée actuel, correspondrait à la queue de étang. La carte du Préfet Féard (1856/1864) nous apporte des précisions sur l’emplacement des digues (grande digue et petites digues du petit étang).

« Du haut de la (grande) digue jusqu’à la surface de l’eau du petit étang il y a dix huit pieds (5,49 m) de hauteur, il y a en outre une longueur de trente toises (58,47 m) qui jointes aux cent soixante quinze précédentes (341 m) fait celle de deux cent cinq toises (399,55 m), laquelle est maçonnée en dedans avec des pierres plates bien arrangées sans aucun ciment ; Ce mur a environ huit pouces (0.20 m) par pied d’inclinaison. » « En l’endroit le dit sieur Duhamel, par continuation de son rapport du jour d’hier nous a déclaré que le petit étang dont il a parlé ci-dessus est précisément contre la digue du premier, mais dix huit pieds (5,49 m) plus bas comme il l’a dit ci-devant ; cet étang qui est infiniment plus petit que le premier a une digue de quatre vingt toises ( 155.92 m) de longueur, de six pieds (1.83 m) de haut au milieu et qui se termine en pyramide à ses extrémités ; et de trois toises (5.85 m) de largeur sur le haut et va en pente naturelle des deux côtés, la partie de l’intérieur est garnie de pierres pour empêcher l’eau de dégrader la terre qui forme la digue. Au milieu de cette digue il y a une bonde pour l’écoulement de l’eau de l’étang,…/… (selon le relevé et par surperposition des cartes, cette digue du petit étang serait située le long de l’allée de chênes perpendiculaire à celle de la grande allée rectiligne de chênes, sur la photo ci-dessous).

8- selon le rapport de Duhamel « Procès verbal de la commission formée pour l’expertise de la mine de Pontpéan décidée par l’arrêt du conseil du roi du 23 juin 1761. (extraits) – AD Ille-et-Vilaine C 6191 – transcription. Cette digue se situe sur un terrain privé, merci de l’observer de loin et de respecter la quiétude des propriétaires l

Les différents éléments du paysage avec la carte d’État Major de 1820 -1866

La carte d’État Major de 1820-1866 permet de visualiser l’espace humide et de confluence des ruisseaux des Bignons, du Tellé, de la Blanchetais et de la Hamonais et le petit étang du Tellé. Cette carte mentionne distinctement la chaussée qui conduit du Bois-Esnault au château d’Orgères. Le grand étang est déjà asséché, il ne reste plus que le petit étang depuis au moins 1812, comme l’atteste le cadastre napoléonien d’alors. La grande digue est figurée par un tracé très épais et hachuré de bandes noires. Elle se termine à la Petite Caliorne au sud sous forme d’un filet noir. Au nord, un même filet noir la prolonge. La grande dimension des parcelles asséchées suggère l’étendue du grand étang. La grande digue vient en contrefort du petit étang situé selon l’expertise de 1761 de Duhamel 5,5m plus bas, et de forme quasiment identique à celle du cadastre napoléonien de 1812. A l’ouest de la route, le canal « ancien canal de la mine » est référencé. Il se prolonge au nord jusqu’à la mine au Luzard.
La triangulation de la carte d’État-Major pour la Bretagne aurait été établie en 1836.

Confluence : une nouvelle culture du patrimoine industriel
en restituant à la nature ses qualités de protection de l’eau
et en assurant la préservation de la biodiversité et la qualité des paysages ?

Cette digue, – retenant le grand étang – , de 940m de long toujours présente, de 10m de haut à l’origine, la chaussée peut-être plus ancienne encore, les divers éléments des digues du petit étang constituent un élément du patrimoine industriel de la ville de Pont-Péan, tout comme son canal qui parcourt en partie toujours nos paysages. Au XVIIIe Siècle, tout Rennes se pressait pour admirer les ouvrages de Laurent puis de Loriot. Celles de Laurent « font l’étonnement de tout Rennes10 » celles de Loriot « attiraient au Pompean le concours et l’admiration11 ». 267 ans plus tard, la renaturation du Tellé et des ses affluents par les techniciens de l’eau, lui permet de retrouver son cours dans cet espace humide de confluence et où la biodiversité peut reprendre ses droits.

10- A.D. Ille-et-Vilaine, C. 1.486. Lettre Danycan à Duverney
11- AD 35 – Ille-et-Vilaine, C. 1.486. Mémoire Loriot.

Remeandrage Tellé - Confluence

Il s’agit d’une prise en compte d’une histoire plus globale et plus conceptuelle que celle privilégiant uniquement le bâti et l’architecture. Cette zone de confluence est un des sites historiques de l’industrie bretonne et française, associée à l’histoire des paysages ruraux. Au delà de l’objet d’étude et de mémoire qu’il mérite, il peut présenter une nouvelle liaison entre les savoirs techniques du patrimoine et une nouvelle orientation de respiration pour ses habitants dans le respect des écosystèmes et de leur mise en valeur.

Remeandrage Tellé - Confluence
Glands de chêne pédonculé

Ancienne route de Tellé bordée de Chênes pédonculés, le long du ruisseau avant reméandrage, pendant les travaux (photos ©EOL 211010)

Notre prochain article
À la recherche de l’étang du Tellé, de sa grande digue et du canal
avec les différentes cartes et le cadastre napoléonien (1812 et 1845)

Telle_cassini
Carte de Cassini12, extrait de la feuille N° 129

La recherche du ruisseau du Tellé, un des acteurs majeurs oublié de l’histoire de la mine de plomb argentifère de Pont-Péan, trace aussi l’épopée cartographique, initiée par Colbert et Louis XIV à la fin du XVIIe siècle. Elle aboutit sous le règne de Louis XV, à la création de la première carte détaillée du Royaume de France, la carte de Cassini. Ce projet commence à la création en 1666 de l’Académie des Sciences et fût mené par toute une génération de cartographes, les Cassini avec l’aide d’ingénieurs, de graveurs et d’imprimeurs œuvrant à l’Observatoire. Pour en savoir plus, voir notre prochain article  » À la recherche de l’étang du Tellé et du canal avec les différentes cartes et le cadastre napoléonien (1812-1845) « . Après l’assèchement du grand étang, la ligne droite s’imposera et le ruisseau du Tellé ne retrouvera pas sa « naturalité » originelle d’avant travaux du XVIIIe siècle. 267 années plus tard, c’est aujourd’hui une action en cours.

Extrait de la Carte de Cassini : source Gallica/BnF – N° de feuille 129 – date probable d’édition : 1789 à 1815

La carte de Cassini pose les bases de la cartographie moderne.

12 La Carte de France dite « Carte de Cassini » doit son nom à une lignée d’astronomes et de ­géographes d’origine italienne qui s’installent en France dans le dernier tiers du XVIIe siècle. Lancée sous les auspices de l’Académie des Sciences en 1747, elle résulte du travail d’une succession de savants et d’ingénieurs qui, pendant un siècle et demi, vont s’employer à mettre au point de nouvelles méthodes de relevés.

Matérialisé par un découpage en rectangles réguliers, l’esprit géométrique de la Carte de France est aussi celui des ingénieurs des Ponts et Chaussées qui tracent des routes rectilignes, comme celui qui préside aux projets de réforme des circonscriptions administratives, réactivés par la Révolution.

Fondée sur une triangulation générale, la carte de Cassini repose sur le positionnement de quelque 300 points par feuille, par la méthode de la triangulation secondaire qui poursuit la triangulation générale. Ce procédé de levées commande d’effectuer les visées à partir des points élevés du paysage, les clochers, les tours, les points haut de collines … ; Leurs coordonnées sont donc précisément calculées. Le tracé des routes et des rivières est en revanche dessiné, et le relief esquissé.
Les relevés sont achevés à la veille de la Révolution mais les dernières cartes gravées ne sont éditées qu’à la chute de l’Empire en 1815.

Pour cet article : textes, photos et recherche bibliographique par Evelyne Ollivier-Lorphelin
Voir sources pour chacun des chapitres.

Nos articles et vidéo sur le Tellé et sa zone humide de confluence

Par Convention Citoyenne Biodiversité Pont-Péan

Convention citoyenne permanente du conseil participatif de Pont-Péan